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Un spectre plane sur l’UE: celui des populistes nationalistes

Publié le 28/04/2022

L’opposition entre progressistes européens et populistes nationalistes se retrouve dans toutes les élections, législatives ou présidentielles en Europe (en Hongrie avec Orban ou en France avec la présidentielle et bientôt les législatives) et se traduit par des débats autour de deux questions fondamentales : la solidarité et la souveraineté.

En effet, soit les électeurs considéreront que la solidarité budgétaire, sécuritaire, migratoire, environnementale, etc., est renforcée par une coopération au niveau européen, soit ils choisiront de se replier sur les frontières nationales, pensant que des solutions nationales, voire régionales, sont préférables.

Il en va de même pour la souveraineté, qui doit être recherchée au niveau européen pour les uns ou exclusivement au niveau quasi autarcique pour les autres, que ce soit en matière de défense militaire (la question d’une armée européenne intégrée ou non à l’OTAN), ou de contrôle partagé des frontières extérieures de l’Union, par opposition au rétablissement du contrôle des migrants aux frontières nationales et à la remise en cause des quatre libertés, c’est-à-dire la libre circulation des biens, des services, des capitaux et des personnes. Car c’est bien la question de la politique migratoire qui est déterminante chez les populistes nationalistes. Ouverture ou fermeture, ponts plutôt que murs…

Mais qu’est-ce que le populisme nationaliste ?

Vaste question ! Pour tenter d’y répondre, ce sont des principes, des doctrines, des stratégies politiques fondées sur l’expression des intérêts, des préjugés et presque toujours des peurs et des angoisses des gens ordinaires, définis en opposition aux élites. Les boucs émissaires désignés sont toujours les “autres”, notamment les migrants, et souvent les musulmans, et encore les élites, et bien sûr “Bruxelles”.

Soyons plus explicites sur la vision commune partagée par les populistes : ils prétendent avoir un lien direct avec le “vrai peuple”, perçu ou présenté comme homogène. D’où l’insistance de Marine Le Pen d’avoir un recours systématique aux référendums d’initiative populaire (RIP) ou citoyenne (RIC) [1] qui pourraient traiter des sujets de société (annulation du mariage pour tous, rétablissement de la peine de mort, …), de la politique migratoire, bien sûr, mais aussi des révisions de la Constitution.

Et ils veulent gouverner en transcrivant dans leurs actions la volonté de ce « vrai » peuple. Ils rejettent donc la diversité sociale et politique et sont :

-contre les élites politiques, économiques, intellectuelles et culturelles,

-contre les groupes minoritaires (Roms, Hongrois en Slovaquie, minorités religieuses, juifs, maçons, opposition politique, qualifiés de ” tous pourris » “…).

-contre les institutions politiques et judiciaires,  les médias, les ONG, …

– et contre les migrants, bien sûr[2]

Ils sont aussi pour une exacerbation du pouvoir majoritaire, alors que la démocratie est aussi le fait de protéger les droits des minorités (Art 2 du TFUE),

Á titre d’exemple, jetons un coup d’œil sur les propositions radicales de Mme Le Pen en matière de politique migratoire : arrêt total de l’immigration extra européenne et expulsion des clandestins délinquants ou radicalisés; fin du regroupement familial, et plus grave, aides sociales  réservées aux Français, priorité donnée également aux Français pour l’accès au logement social et à l’emploi ; conditionner à cinq ans de travail l’accès aux prestations de solidarité, suppression de l’autorisation de séjour pour l’étranger qui n’aurait pas travaillé pendant 12 mois.

Bref un programme discriminatoire, intitulé d’ailleurs  « de la préférence nationale », fondée sur le clivage de « nous contre eux », susceptible d’exacerber jusqu’à la violence les tensions au sein de la société. Participe à ce programme discriminatoire une interprétation de la laïcité inscrite dans la Loi française de 1905 pour «  ériger un rempart protégeant l’héritage chrétien face à l’Islam » [3] qui la conduit à interdire le port du voile dans l’espace public, contrairement aux signes des autres religions. Sous prétexte qu’il s’agirait d’un « costume islamiste » et non d’un signe religieux cette interdiction du voile ne  serait donc pas une infraction à l’égalité des cultes inscrite dans la Loi nationale et dans la Charte des droits fondamentaux européens.

Tous nationalistes, xénophobes, protectionnistes, ils sont anti-européens même s’ils déclarent le contraire (Mme Le Pen soulignant qu’elle a abandonné l’idée de sortir de l’€, vu les craintes des électeurs français qui l’ont massivement adopté). En effet, vouloir donner la primauté au droit national sur le droit européen, comme le réclament déjà la Pologne, et la Hongrie, et maintenant Marine Le Pen, c’est mettre fin à une législation commune garante du marché intérieur et de ses quatre libertés de circulation susmentionnées.

S’y ajoutent dans le programme de Mme. Le Pen, la réduction unilatérale de la contribution française au budget de l’UE, irréalisable sans l’accord unanime de tous les autres États membres ou la création d’une “Alliance européenne des nations” que la candidate du Rassemblement National voudrait substituer progressivement à l’Union européenne. Imaginons un bref instant que les 24 autres États membres seraient eux aussi tentés par la suprématie du droit national sur le droit européen. Ce serait une cacophonie sans pareil qui paralyserait définitivement l’UE.

Dans le cas de la France, ce serait un « Frexit » qui ne dirait pas son nom, avec sa perte de crédibilité immédiate, notamment sur les marchés financiers et une crise profonde au sein de l’Union.

Analysons brièvement la stratégie de communication des populistes nationalistes en général :

ils cherchent systématiquement à éviter un débat équitable et utilisent un langage dont le but est d’intensifier les angoisses et de proposer des solutions simples, voire simplistes. Les populistes font donc des affirmations, sans avoir besoin de les fonder sur des arguments ou des raisonnements.

Ils n’ont pas besoin de preuves, et ils pensent que la répétition simple mais insistante de ces affirmations doit finir par convaincre leurs auditeurs ou téléspectateurs qu’ils ont raison.

La recherche de la vérité n’est plus un objectif, surtout si elle leur est défavorable et constitue une gêne pour leur action ou leur image, que ce soit en temps d’élections ou lorsqu’ils gouvernent. Que ce soit Marine Le Pen, Zemmour, en campagne électorale présidentielle, Orban, Kaczynski, ou  Trump ( « alternative facts ») et Poutine dans l’exercice de leur pouvoir. C’est aussi pourquoi les médias -journaux, réseaux, blogs…- indépendants sont des ennemis qu’ils dénoncent, oppriment ou interdisent.

Comme Poutine, certains populistes n’hésitent pas à utiliser un langage grossier, censé être proche du peuple, tendance machiste à l’instar de Mussolini ou Salvini, ou à invectiver, ou encore à attaquer directement la personne plutôt que ses idées, tendance Trump ou Orban lors de leurs campagnes électorales, et Marine Le Pen en meeting électoral plutôt que face à face.

En conclusion, les valeurs, les programmes et les agissements des populistes nationalistes sont à l’exacte opposé de celles de l’AEPL et de celles de l’Europe.

C’est pourquoi, ils veulent la diviser pour mieux la dissoudre. C’est pourquoi aussi les libres penseurs sont systématiquement leurs ennemis. C’est aussi pourquoi enfin il faut se battre avec persévérance, force et vigueur contre les nationalistes et les populistes, quels qu’ils soient.

N’hésitez pas à faire part de vos remarques ou réflexions en les faisant parvenir à Éric Paradis (paradispauleric@gmail.com) et/ou Tony van der Haegen (tonyvdh30@gmail.com).

Le Conseil d’Administration

[1] La discussion sur la portée et les modalités possibles de ces référendums dépasse largement la proposition de la candidate du Rassemblement National, le groupe de J-L Mélenchon de la France Insoumise ayant par exemple présenté une proposition de loi discutée et rejetée à l’Assemblée Nationale en 2019. D’où la volonté de Marine Le Pen de choisir des référendums qui peuvent se passer de l’accord des parlementaires élus, ce qui suppose une modification de la Constitution.

[2] avec les  exceptions récentes pour les réfugiés ukrainiens

[3] cf. le rapport détaillé de la fondation Jean Jaurès sur le programme de la candidate

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